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Salon Realty 2022 - mon discours

19 septembre 2022

” Mesdames,  
Messieurs, 

Avant toute chose, permettez-moi de remercier les organisateurs du salon Reality pour leur invitation et vous dire combien je suis heureux d’être parmi vous pour traiter d’un sujet aussi passionnant qu’actuel, à savoir “l’avenir des terrains non bâtis” en Région bruxelloise. 

Realty, il faut bien le dire, est devenu un événement immanquable de la rentrée pour le secteur de l’immobilier bruxellois, mais pas uniquement. Si je ne trompe pas, vous en êtes à votre 14e édition et force est de constater que le succès semble, une nouvelle fois, au rendez-vous.  

Pour traiter de la thématique de la politique foncière à Bruxelles, il me semble d’abord nécessaire de rappeler brièvement le passé de la Région bruxelloise. Rassurez-vous, je ne vais pas me lancer ici dans de longs développements mais tâchons de nous rappeler ce qu’était Bruxelles il n’y a pas si longtemps.

D’ailleurs, le lieu dans lequel nous nous trouvons ce jour atteste à suffisance, je pense, des nombreuses transformations qu’a connues Bruxelles au cours des dernières années. 

Longtemps, Bruxelles a été décriée – parfois à juste titre – pour son manque de vision et d’ambition en matière foncière. Ceci était pour le moins problématique puisque cela laissait à penser que la Région bruxelloise préférait laisser le soin aux développeurs privés de construire la Ville et que, d’une certaine manière, le rôle du politique devait se borner à encadrer a minima les projets privés. 

Cette époque est révolue. 

En effet, ces dernières années, Bruxelles a petit à petit activé de nombreuses opportunités foncières et immobilières, et ce en vue de répondre aux besoins des Bruxellois en matière de logements, d’équipements, de nouveaux espaces verts, de valorisation des espaces publics ou encore de préservation de la biodiversité. 

Ainsi, au fil des années, la liste des acquisitions stratégiques et des projets d’ampleur visant à rencontrer l’ensemble des besoins précités n’a cessé de grandir : acquisitions des anciennes Casernes d’Ixelles, de la Friche Josaphat, du Site de Mediapark, du Marais Wiels, du Kauwberg, du Kattebroeck, etc.

Pour l’essentiel, ces acquisitions stratégiques ont toutes été réalisées dans l’optique de pouvoir, du moins en partie, servir au mieux la politique régionale en matière de logement et répondre ainsi aux besoins criants en logement qualitatifs et accessibles des Bruxelloises et aux Bruxellois.

Force est de constater qu’aujourd’hui des blocages et des formes de pensées exclusives apparaissent de plus en plus sur ce type de dossiers – érigés par certains en véritable symbole – dont la position vise juste, pour faire court, à s’opposer catégoriquement, pour des motifs environnementaux, à tout projet de construction, public ou privé, portant sur un terrain à bâtir, et ce qu’elle que soit le programme ou l’équilibre proposé. J’ajoute que les contradicteurs en la matière ne se soucient pas ou peu des montants déjà engagés et ou dépensés. Un terrain à bâtir et un futur espace vert ne se négocient pas au même tarif, ce n’est pas ici que je dois le dire. La question sous-jacente est donc également le respect de la bonne gouvernance qui a toujours guidé mon action publique.

Parmi les dossiers publics, la liste des projets bloqués ou rendus compliqués est bien connue : Chant des Cailles, Marais Wiels, Dames Blanches, Shakespaere, Donderberg et maintenant la Friche Josaphat… Soit, au total, plus de 42Ha de terrains publics constructibles rendus par certains non mobilisables voire paralysés. Ceux-ci permettraient pourtant de réaliser rapidement des actions et des opérations d’aménagement d’intérêt général, notamment en matière de logement. 

Dans ce contexte, et plus que l’avenir des terrains publics, il s’agit donc surtout, et selon moi, de s’interroger en premier lieu sur la fonction d’une réserve foncière publique en milieu urbain et de réfléchir davantage au rôle clef que les métropoles auront à jouer dans la lutte contre le dérèglement climatique.

J’entends évidemment et prends très au sérieux la nécessaire protection de la biodiversité mais qui parle aujourd’hui de la crise sociale ? Qui s’intéresse à l’effectivité du droit au logement pourtant consacré dans notre constitution, tout comme le droit à un environnement sain? Qui se rappelle que le GIEC préconise de lutter d’abord et en premier lieu contre l’étalement urbain pour lutter efficacement contre la perte de biodiversité ?

Ces débats sont complexes et passionnant mais, en termes de méthode, il me semble essentiel de remettre la solidarité et l’intérêt général au centre des discussions et du débat public.

Bien sûr, la question climatique et le défi qu’il pose génèrent des inquiétudes et un besoin urgent d’actions concrètes pour adapter nos villes. Bien sûr, et bien que classée 6e capitale la plus verte d’Europe, nous devons en faire plus car tout le monde a droit à disposer de davantage d’espaces verts à proximité de chez lui, surtout lorsqu’on ne dispose pas d’un jardin ou d’un espace extérieur privatif.

En matière d’espace vert, je suis particulièrement fier de mon bilan puisque, depuis 2014 dans mes compétences propres, nous sommes parvenus à planifier – règlementairement – plus de 130 ha de nouveaux espaces verts dont 55 ha ont d’ores et déjà été réalisés et sanctuarisés ! Ainsi, et à titre d’illustration, la politique des CQD a permis à elle seule de créer plus de 13ha de nouveaux espaces verts ! Qu’on ne vienne pas me dire après que je suis le roi du béton…

Cependant, cet état de fait sur le plan environnemental ne doit pas faire oublier ni le contexte social de Bruxelles ni le volet social des politiques publiques qu’il nous faut mener à bras le corps.

Lorsque l’on parle du développement durable, il y a certes l’aspect environnemental, essentiel, mais ce dernier ne peut pas prendre le pas sur le volet social ni sur le volet économique. Or, en l’occurrence, j’entends beaucoup parler d’environnement et de protection de la biodiversité mais très rarement d’accès et de droit au logement ou de lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales…

Sur le plan de l’immobilier, et si l’on devait poser un diagnostic de la situation actuelle à Bruxelles, il nous faudrait d’abord relever que concernant les prix, notre Ville a connu, ces dernières années, un phénomène de “rattrapage” assez important. En effet, si pendant longtemps, Bruxelles est restée une ville relativement accessible au regard des prix pratiqués dans d’autres capitales européennes, il semble que cela soit moins vrai aujourd’hui. Et cela se confirme tant sur le marché résidentiel que pour le prix des (rares) terrains restant à bâtir. 

Or, lorsque la Région achète des terrains à bâtir à des fins d’intérêt général, c’est évidemment dans l’idée de pouvoir y développer a minima des programmes mixtes et équilibrés entre les fonctions complémentaires (je me refuse à parler de fonctions concurrentes) de la ville et ce, afin de répondre aux enjeux et besoins des habitants.

En effet, nous représentants politiques et membres du Gouvernement bruxellois, nous sommes tenus – car nous nous y sommes engagés auprès des Bruxellois – de répondre à leurs besoins. Pour illustrer mon propos, je vais me concentrer sur la cible des Bruxellois, qui est ma priorité, et la nécessité vitale de rendre effectif le droit au logement.  

Comme vous le savez certainement, il y avait en novembre 2021 près de 51.000 ménages en attente d’un logement social,  contre 47.000 en 2019. Soit une hausse significative de près de 4.000 nouveaux ménages. Plus évocateur, aujourd’hui c’est près de la moitié de la population bruxelloise qui pourrait prétendre à bénéficier d’un logement social !

Bien sûr, ces chiffres ne tombent pas du ciel : ils découlent en partie des différents chocs que nous avons pu vivre ces dernières décennies : crise économique de 2008, crise du Covid, Guerre en Ukraine, chocs énergétiques et environnementaux.  

Pour construire la ville de demain, il est donc de notre responsabilité de proposer un cadre résilient pour tenter d’absorber les chocs et de limiter la crise. Pour ce faire, et à mon sens, cela passera nécessairement par la réduction des inégalités sociales.

Pour y répondre, en aménagement du territoire, nous avons préparé le terrain en mettant sur pied des outils stratégiques et/ou règlementaires qui permettent plus de flexibilité et d’adaptabilité (Plan Urgence Logement/Plan Aménagement directeur /Contrat Reno urbain/révisions du PRAS et du RRU… et bientôt préemption généralisée).  

Je ne rentrerai pas dans une explication détaillée de tous ces outils que vous maitrisez. De plus, des plans et des visions ne suffisent pas à  construire la ville : la conception n’est rien si elle ne devient pas un jour opérationnalisable. Et c’est sur point que je reviens à la question qui nous occupe aujourd’hui, le foncier public.  

Nos propriétés s’intègrent dans des projets urbains en cours, nous les avons acquis en connaissance de cause. L’équation est donc évidente : Terrains publics + planifications = des projets concrets et rapides qui répondent aux besoins des Bruxellois.  

Et bien à Bruxelles, cela ne fonctionne pas aussi bien.  

Je constate et je regrette une inertie des projets publics, par la politisation voire l’instrumentalisation des projets particuliers par quelques uns, au détriment des habitants et donc du plus grand nombre.

Les chocs environnementaux et sociaux ne peuvent pas s’opposer purement et simplement. Ils doivent trouver des réponses conjointes, et je l’affirme ceci est possible au sein d’un projet urbain. 

La friche Josaphat représente, à mes yeux, un exemple emblématique de ce qui se joue aujourd’hui : une grande réserve foncière publique, un site « connecté » aux transports publics, une biodiversité remarquable, et une réponse potentielle au manque de logements, d’équipement mais aussi d’espaces verts partiellement accessibles aux Bruxellois !

Ce site, par ses nombreuses caractéristiques peut et doit apporter des réponses à tous les défis énumérés précédemment. Quelques chiffres de son développement : 

  • 2,5Ha de surfaces urbanisées soit 1200 logements, dont 600 logements publics – 323 logements sociaux – et des équipements attendus par la commune de Schaerbeek; 
  • 7Ha d’espaces verts dont la moitié seront protégés ; 
  • 70% de la totalité de la zone de pleine terre ; 
  • 000 m² équipements; 

Voici un projet public qui me semble donc parfaitement équilibré, débattu et discuté depuis plus de 10 ans, qui doit aujourd’hui répondre aux enjeux environnementaux et sociaux de notre époque.

Certains ne partagent pas cette position. Dont acte. Mais que faire de plus pour arriver à l’équilibre et susciter l’adhésion ?

Abandonner le social, et donc abandonner les programmes de logements ou d’équipements ? Cela reviendrait à abandonner les Bruxellois, certainement pas!  Les réserves foncières peuvent répondre à différents enjeux, dont celui de la protection de la biodiversité, mais convenons qu’il ne peut pas être le seul objectif, c’est l’équilibre qu’il nous faut fixer. A cet égard, vous me trouverez toujours du côté des solutions pragmatiques, tout est mieux pour moi que ne rien faire du tout sur des terrains publics. Objectivons la discussion et déterminons des objectifs chiffrés en matière de création d’espaces verts à l’échelle de la Région et sortons de l’idéologie pure et dure dont trop de projets sont aujourd’hui otages.

En ce qui me concerne, je continuerai donc de chercher et de plaider pour des projets équilibrés, en particulier en étant à l’écoute de tous les Bruxellois! A ce sujet, le sens de l’histoire veut que nous allions vers une plus grande participation et une meilleure écoute. Il revient cependant encore trop souvent du terrain que la représentativité que l’on connait aujourd’hui dans les processus participatifs n’est ni juste ni équilibrée, or la ville appartient à tous et il nous faut donner la parole à tous ceux qui le souhaitent. Je ne doute pas que mon collègue Alain Maron, compétent en matière de participation, sera d’accord avec moi et qu’il veillera, à ce titre, à ce que le nouveau service de la participation, qui va tout prochainement fournir ces premières lignes directrices, propose une méthodologie allant dans ce sens.  

Enfin, l’équilibre que nous recherchons sur le foncier public doit également l’être tout autant pour les terrains non bâtis privés. Vous n’êtes certainement pas sans savoir que la Commission européenne réfléchit actuellement à établir un nouveau cadre relatif à l’utilisation des sols. Certains veulent y voir l’interdiction de bâtir demain sur des friches ou des zones à bâtir alors que le processus législatif n’a pas commencé. En tout état de cause, j’espère que vous vous engagerez à nos côtés à défendre des projets équilibrés pour le bien-être de Bruxelles et de ses habitants. “